Par: Janine Hosp, Images: Nicolas Zonvi
La batterie de demain étant au cœur de ses travaux de recherche, Corsin Battaglia se voit souvent poser la question : « Quelle sera la prochaine révolution technologique ? Où faut-il investir ? » Produire une batterie qui soit bon marché et robuste, à forte densité énergétique, respectueuse de l’environnement et qui, de surcroît, se passe de métaux critiques tels que le lithium, ce serait l’assurance de faire fortune rapidement. On aurait la batterie de demain.
Mais d’ici à ce qu’elle voie le jour, Battaglia répond « Surveillez les batteries solides et les batteries au sodium. » Ce qu’il fait lui aussi qui est chercheur à l’Empa, le laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche. Il s’agit de batteries qui possèdent une densité énergétique élevée ainsi qu’une durée de vie plus longue car elles ont la particularité de se recharger à une vitesse qui abime moins les cellules.
« Autrefois, se débarrasser des matériaux de démolition revenait très cher. Aujourd’hui, nous les transformons en béton circulaire. »
Patrick Eberhard
Eberhard Unternehmungen
Corsin Battaglia a présenté ses recherches à l’Empa le 28 septembre, à l’occasion des « Journées de la Technique » organisées par l’association professionnelle Swiss Engineering. Depuis de longues années, l’Académie suisse des sciences techniques SATW fait partie des structures organisatrices aux côtés de l’Empa et de l’association Swissmem.
Le thème de cette année : La pénurie des ressources, un moteur pour l’innovation ?
Les confirmations sont nombreuses, comme le montrent ces exemples :
Alors que ces projets étaient présentés à Dübendorf, les représentant·e·s de plus de 50 pays se sont réunis à Paris à l’invitation de l’Agence internationale de l’énergie afin de réfléchir à des moyens de s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis de la Chine sur le plan des terres rares et des matières premières critiques (voir encadré).
« L’importance du lithium et des terres rares surpassera bientôt celle du pétrole. »
Ursula von der Leyen
Présidente de la Commission européenne
Le problème : opérer la transition énergétique sur fond de mondialisation n’ira pas sans remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables ni sans passer des véhicules à combustion à des véhicules électriques. Aujourd’hui, les batteries des véhicules électriques ont encore recours à des matières premières critiques telles que le lithium ou le cobalt.
Ce que l’on appelle une terre rare peut aussi être une matière première critique si elle remplit les critères de chacune des catégories. Le scandium, par exemple, fait partie des 17 éléments chimiques désignés comme des « métaux des terres rares ». Tous sont des éléments malléables, à l’aspect le plus souvent métallique, ils sont très réactifs et s’oxydent rapidement à l’air libre. Mais ils ne sont pas rares. Seules le sont les roches dans lesquelles ils sont présents en concentration suffisamment élevée pour que l’extraction soit rentable. La plupart des gisements se trouvent en Chine. Ces métaux sont indispensables à certaines technologies clés telles que les moteurs électriques ou les éoliennes de même qu’à de nombreux appareils électroménagers. Ils sont donc devenus très importants.
Le scandium figure également sur la liste des matières premières critiques de l’UE, avec 34 autres substances. La demande de nombreuses matières premières étant en augmentation, l’UE se voit donc régulièrement obligée d’ajouter de nouvelles substances à sa liste. Il s’agit exclusivement de substances indispensables à l’économie et à la société, pour lesquelles existe en plus un risque élevé de difficultés d’approvisionnement. Par exemple, lorsque l’UE doit importer une substance d’un pays extérieur à la Communauté pour la totalité de ses besoins.
Les matières premières stratégiques jouent un rôle important dans la transition écologique et dans la transformation numérique ainsi que pour les technologies liées à la défense et à l’astronautique.
« Le lithium et les terres rares seront bientôt plus importants encore que le pétrole », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Pendant longtemps, les entreprises n’étaient pas conscientes que s’approvisionner en matières premières dites critiques ou stratégiques allait devenir de plus en plus difficile (voir encadré). Alessandra Hool l’explique dans sa présentation. Elle dirige le Fonds de développement pour les métaux rares. Mais la situation s’est améliorée ces dernières années : une enquête réalisée auprès d’entreprises révèle qu’elles n’ont certes pas encore mis en œuvre toutes les mesures visant à pallier les difficultés d’approvisionnement, mais nombre d’entre elles disposent désormais d’un plan.
Les entreprises peuvent évaluer le risque de difficultés d’approvisionnement sur le site www.metal-risk-check.ch, où elles trouveront par ailleurs des informations sur la manière de remplacer certaines substances ou de mieux les utiliser au moyen de l’économie circulaire. Toutefois, la récupération d’un grand nombre de matières premières critiques est quasi inexistante aujourd’hui, car elle est souvent complexe et donc chère.
Pour y remédier, sept instituts de recherche et 24 entreprises en Suisse explorent dans le cadre du projet CircuBAT des pistes afin de réintégrer des matières premières issues de batteries lithium-ion dans le circuit et d’améliorer la durabilité des batteries à chaque étape de leur cycle de vie.
Les travaux de Corsin Battaglia et de son équipe portent sur une batterie qui ne nécessite ni lithium, ni cobalt, ni encore nickel, qui y sont substitués par le sodium et le zinc. Ces deux substances sont non seulement plus largement disponibles, mais elles sont aussi moins chères et plus respectueuses de l’environnement. Mais l’inconvénient des batteries au sodium réside dans leur plus grande taille, car elles n’ont pas encore la même densité énergétique.
Son accroissement est donc l’un des défis auxquels les scientifiques font face dans le développement de la batterie du futur.